dimanche 26 septembre 2010

Nomadisme et espace-temps

Heinz Weinmann, professeur de littérature au Cegep de Rosemont au Québec, nous livre ses réflexions étymologiques à propos du nomadisme et de la sédentarité. Il nous éclaire sur la différence de l'espace-temps entre nomades et sédentaires. À première vue, nomade, “nomadisme” recouvre une activité, la migration, l'errance sans but; “sédentaire”, un état, celui d'être définitivement installé dans un lieu. À vrai dire, l'étymologie du mot grec “nomos” montre que cette opposition n'est que secondaire, dérivée. “Nomos” implique tout d'abord l'idée de distribution, non pas distribution au sens d'un partage de quelque chose qui serait donné que l'on divise, mais “répartition de ceux qui se distribuent dans un espace ouvert, illimité, du moins sans limites précises”, répartition qui échappe à toute “territorialisation”, à toute limitation et définition spatiales De façon générale, le nomade se refuse à toute spatialisation de l'Etant: spatialisation du temps, des Divinités etc. Kant a montré que l'espace n'est en somme qu'un temps fixé, figé. Or, le nomade, pour se soustraire à cette fixation spatiale, vit selon des rythmes, des flux toujours changeants, imprévisibles, il temporalise son existence. De la même façon, ses Dieux ne sont pas soumis à des “propriétés”, des domaines, attribués une fois pour toutes. Son Dieu est Un et Tout, partout et nulle part, Pan, Dieu des pâtres. Gide, celui qui, parmi les modernes, a le mieux chanté le nomadisme, a bien senti le lien qui existe entre nomadisme et panthéisme.
La sédentarisation est ainsi synonyme de partage d’espace. Le sédentaire se pose en effet d’abord la question de la place qu'il occupe : lorsque nous souhaitons construire une maison, nous commençons par réfléchir à la surface dont nous avons besoin en fonction du nombre de personne à abriter, du niveau de confort souhaité et de nos expériences passées.
Puis, nous regardons les moyens nécessaires, le budget, et ensuite, le temps nécessaire pour y parvenir. Nous ajustons ensuite notre budget ou le temps, rarement le projet de construction que nous avons conçu.
Le nomade, lui, raisonne d’abord en temps nécessaire pour parvenir à une destination puis en moyens pour y parvenir. De combien de temps dispose-t-il avant la fin de la journée, de la semaine, de la saison ? Dans ce temps qui lui reste, jusqu’où peut-il raisonnablement aller ? Quels moyens pour y parvenir ? Si la durée est jugée trop importante, il réajuste l’objectif… et s’arrêtera là où le temps lui aura permis d’aller. Le nomade « déspatialise » sa représentation du monde. L’important pour lui n’est pas le partage de l’espace mais la répartition des temps. Il « temporalise son existence » comme le dit Heinz Weinmann. Et l’espace devient le temps « Combien d’heures avant la tombée de la nuit ? » et non « Combien de kilomètres avant d’arriver ? ».

La pensée spatiotemporelle nomade vient bousculer et enrichir nos modes habituels. Et si nous raisonnions en temps qu’il nous reste à vivre, plutôt qu’en objectifs d’acquisition, qu’est-ce que cela changerait ? L’important ne se trouve-t-il pas plus dans le chemin parcouru que dans les biens acquis dans notre existence ?

dimanche 19 septembre 2010

Histoire de mobilité


Philippe Croizon s'est entraîné pendant deux ans avant de tenter la traversée de la Manche. Un Français de 42 ans amputé des quatre membres après avoir été foudroyé par des décharges électriques en 1994, a réussi, samedi 18 septembre, la traversée de la Manche à la nage. Parti de Folkestone (Angleterre) à 8 heures du matin, il a atteint les côtes françaises, à proximité de Wissant, à 21 h 13. Une performance d'autant plus incroyable qu'elle a été réalisée en un temps beaucoup plus réduit que les 24 heures initialement prévues pour relier l'Angleterre et la France (33 kilomètres en ligne droite). LEMONDE.FR | 18.09.10
Incroyable dépassement de soi, incroyable performance et incroyable volonté de mobilité. Quelqu'un que n'importe qui d'entre nous aurait imaginé cloué dans son fauteuil ou son lit toute sa vie a trouvé l'énergie nécessaire pour bouger et traverser la Manche. C'est en voyant une femme qui faisait la traversée de la Manche 16 ans plus tôt, alors qu'on lui enlevait sa deuxième jambe, qu'il se dit "Pourquoi pas moi ?". Défi personnel donc, assurément. Son père dit "On avait un fils avant son accident. On a découvert un autre homme après son accident." Il rajoute " Il avait quelque chose en lui , qu'on a peut-être tous à la naissance, mais que lui a su déclencher !"
Faut-il être immobilisé pour vouloir bouger, faut-il être coincé pour trouver l'énergie de changer, qu'attendons-nous pour sortir de notre sédentarité ?

Labyrinther : aimer se perdre

Leh, Ladakh, fin de journée, nous nous enfonçons mon amie et moi dans les méandres de la ville. Nez au vent, sourire aux lèvres, nous nous laissons emmener par les pierres, les détours et les pentes. Ruelles du quartier commerçant, peu de touristes sont là, marché sur charrettes, les Ladakhis se pressent, le muezzin appelle à la prière dans le quartier musulman, les commerces ferment précipitamment et les fidèles se dépêchent, la nuit tombe, nous pressons aussi le pas, le nez au vent, les sens en alerte, nous débouchons sur la grande place où ont lieu les grands rassemblements. La place est vide. Nous repérons la direction que nous devons prendre pour rentrer, les impasses se succèdent, les retours en arrière, les écarts imposés par les maisons, nous nous éloignons, puis nous nous rapprochons, nous labyrinthons avec bonheur et inquiétude. La nuit se fait plus épaisse, nous nous guidons aux bruits du torrent proche : il nous attire, puis nous bloque, un sauveur miraculeux nous oriente vers le pont qui traverse le torrent à quelques dizaines de mètres de là. Nous nous retrouvons sur une route plus connue plus dégagée qui nous emmène vers notre destination.
Labyrinther c'est aimer se perdre, c'est aimer ressentir ce petit picotement d'inquiétude, c'est aimer croire qu'on est arrivés et que finalement, non, c'est aimer être dans l'abandon dans le mouvement maitrisé, c'est aimer faire confiance à tous ses sens, c'est aimer faire confiance à son intuition, c'est aimer accueillir l'inattendu parce qu'il arrive toujours et c'est aimer le voir comme un ami parce qu'il le deviendra.
Essayez, allez-y, perdez-vous pour mieux vous retrouver !

*Noeud tibétain ou nœud sans fin, nœud de la vie infinie et de la félicité. Il représente l'interdépendance de toutes choses, ou loi des causes et des effets. Il symbolise l'union de la sagesse et de la compassion.

Réaliser un vieux rêve

Un post magnifique de Corinne de Chiang Mai où elle semble se sédentariser temporairement

http://www.vie-nomade.com/2010/realiser-un-vieux-reve/

Lisez et dégustez